Myriam Le Guen, massage et oncologie intégrative

Myriam Le Guen est masseuse agréée FFMBE, membre du réseau France massage®. Installée à son compte près de Clermont-Ferrand, elle intervient notamment au sein d'une équipe de soins de support en cancérologie, pour délivrer des massages de bien-être en hôpital de jour et en service d'hospitalisation.

La parole à Myriam Le Guen, masseuse bien-être agréée FFMBE

Bonjour, je m’appelle Myriam Le Guen. Je suis une ancienne infirmière en cancérologie et j’habite depuis neuf ans dans le Puy-de-Dôme, où je suis désormais masseuse. J’ai été formée à l’IFJS entre 2009 et 2011 pour devenir praticienne en massage bien-être. Je n’ai pas de cabinet et je me déplace pour travailler, que ce soit à domicile, en entreprise (notamment pour le massage assis) ou lors d’événements. Une grande partie de mon activité se déroule dans une clinique où je fais partie de ce qu’on appelle une “équipe de soins de support“. Je travaille en cancérologie, ce qui représente environ la moitié de mon temps de travail. J’y pratique le massage bien-être auprès des patients, soit dans le service d’hospitalisation, soit en hôpital de jour, pendant les chimiothérapies.

"Je fais partie du traitement"

Il est important de comprendre que j’ai la chance de pratiquer des massages habillés pendant que les chimiothérapies sont administrées. Dans ce cadre, je fais partie du traitement, comme on le dit dans le service. Mon activité est rendue possible grâce à une association dont le président est un oncologue. Nous sommes une équipe de dix professionnels qui œuvrons pour apporter du bien-être aux patients en cancérologie. J’aime évoquer Joël Fleury, car c’est un oncologue engagé, président de l’association, qui prône les soins de support en affirmant que “nous faisons partie du traitement”.

"Plusieurs intervenants sont présents pendant les chimiothérapies"

Dans notre équipe, plusieurs intervenants sont présents pendant les chimiothérapies, comme des sophrologues, des réflexologues plantaires, ainsi que des socio-esthéticiennes. Ces dernières offrent des soins et des conseils, car les cancers et les chimiothérapies provoquent souvent la perte des cheveux, des cils, des sourcils, une prise ou une perte de poids, ainsi que des dommages sur la peau et les ongles. L’esthétique corporelle étant particulièrement affectée, ces soins sont fondamentaux.

Nous avons aussi une art-thérapeute qui intervient pendant les traitements. En dehors des chimiothérapies, d’autres soins comme l’activité physique adaptée sont proposés, bien que ceux-ci ne puissent pas être effectués simultanément au traitement. Un autre soin particulièrement important est ce que l’on appelle les “ateliers cognitifs“. Il s’agit d’une rééducation ou “gymnastique cérébrale”, car un grand nombre de chimiothérapies ont des effets secondaires au niveau neuronal. Les patients se plaignent souvent de pertes de mémoire, de difficultés de concentration et d’attention. Ces symptômes, fréquents dans le traitement du cancer du sein, impactent particulièrement les jeunes femmes lorsqu’elles reprennent le travail. Pour les accompagner, nous proposons des ateliers hebdomadaires d’une durée de six mois, également pris en charge par l’association, qui aident les patientes à récupérer.

"J'interviens dans le service d'hospitalisation et en hôpital de jour"

En cancérologie, les patients peuvent être hospitalisés pour diverses raisons, comme une infection, une grande fatigue ou des soins palliatifs. J’interviens aussi dans ces services d’hospitalisation, notamment auprès des patients en fin de vie ou dont l’état général s’est dégradé. Je suis présente dans ce service tous les vendredis après-midi. Sinon, je travaille trois autres demi-journées en hôpital de jour, où les patients ne restent pas la nuit mais viennent recevoir leurs traitements, généralement des chimiothérapies qui durent quelques heures.

La plupart des patients ont ce qu’on appelle une “chambre implantable”, un dispositif sous la peau permettant l’administration des traitements en intraveineuse, sans avoir besoin de perfusion. Les patients sont souvent installés dans des fauteuils confortables ou des lits. Mon rôle est d’intervenir sans gêner les soins, en proposant des massages des pieds, des mains ou de la tête, selon la position du patient et la configuration de la chambre. Comme j’ai été infirmière, cela me donne un atout : je comprends le fonctionnement des perfusions, la durée des traitements et les procédures à suivre.

Lorsque j’entre dans la chambre d’un patient pour lui proposer un massage, il n’a pas besoin de faire la démarche de chercher une salle dédiée aux soins de support. Il est déjà dans sa chambre, et je lui propose un massage bien-être offert grâce à l’association. Le patient n’a donc rien à payer, mais c’est à lui de choisir s’il souhaite accepter ou non. Certains refusent par pudeur ou par surprise, n’ayant jamais reçu de massage et ne sachant pas à quoi s’attendre. Je leur dis souvent qu’ils peuvent dire non à chaque fois, mais aussi qu’ils peuvent essayer au moins une fois. Je plaisante en ajoutant qu’il ne faut pas attendre la dernière séance de chimiothérapie pour accepter, comme d’autres patients l’ont fait, regrettant de ne pas avoir essayé plus tôt !

"Le vécu des traitements en est alors profondément modifié"

En fait, quel est l’intérêt ? Je considère, et c’est prouvé, que le cerveau est un organe extrêmement puissant. Pendant la chimiothérapie, le cerveau enregistre tout : les bruits, les odeurs, la peur, et bien sûr les effets secondaires, ce qui est majoritairement négatif. Quand un patient reçoit un soin de support, que ce soit un massage (comme ceux que je pratique), de la réflexologie ou encore de la sophrologie, il reçoit quelque chose de bien, à la fois physiquement et psychologiquement, en même temps que ce qui lui fait peur. Le vécu des traitements en est alors profondément modifié.

De nombreux patients me disent : “Je sais que je vais vous voir, je pensais à vous en me préparant, et cela m’aide à ne pas appréhender la chimiothérapie.” Nous avons aussi une art-thérapeute extraordinaire, et certains patients expliquent qu’ils ne viennent pas en chimiothérapie pour peindre, mais que cela change complètement leur perception du traitement et, par extension, de la maladie.

Le financement

Ce qui est très touchant, c’est que des patients, une fois qu’ils prennent conscience de tout le bien que cela leur apporte, souhaitent que ces soins continuent pour d’autres. Il y a chaque année un appel aux dons, avec plus de 2000 lettres envoyées, manuscrites par le docteur Fleury. L’année dernière, nous avons récolté plus de 30 000 € en dons, ce qui est énorme. En plus de cet appel, il y a de nombreux événements caritatifs, comme des courses solidaires. Par exemple, “Clermont en Rose” est une course qui récolte énormément de fonds pour les redistribuer à des associations locales, dont la nôtre profite directement. Nous avons aussi des patients qui se mobilisent pour organiser des événements comme des tournois ou des marches, qui rapportent plus de 100 000 € par an.

"Je me disais alors que, plus tard, je soignerais différemment"

Personnellement, depuis toute jeune, même quand j’étais élève infirmière, j’adorais la formation que je recevais. Je sentais que c’était ma voie, que l’accompagnement et la relation humaine étaient essentiels pour moi. Cependant, j’avais du mal avec les actes techniques invasifs et douloureux pour les patients. Je me disais alors que, plus tard, je soignerais différemment, avec un autre outil.

Je me suis souvenu que, lors de mes études, nous avions eu une petite initiation au Toucher-massage® dans les soins, proposée par l’IFJS. Cela m’a marqué, et plus tard, j’ai suivi des formations certifiantes. Je me disais qu’un jour, je masserais des patients pendant les soins, car je savais à quel point cela pouvait être bénéfique. Pendant des années, j’ai porté ce projet dans diverses structures, mais le financement manquait toujours. Pourtant, je n’ai jamais cessé de croire en ce projet.

Lorsque j’ai déménagé dans cette région, on m’a parlé du docteur Fleury et de sa clinique de soins de support à Clermont-Ferrand. À l’époque, il y avait peu de soins de support, alors je suis allée dans son bureau pour lui présenter mon projet. Je lui ai expliqué que j’étais une ancienne infirmière en cancérologie, que je connaissais bien les services, les traitements et leurs effets secondaires, et que j’étais également formée au massage bien-être. Je lui ai dit : “Je voudrais masser les patients dans votre structure.”

Il a écouté, trouvé cela intéressant, et m’a offert un mois d’essai, car il y avait beaucoup de créneaux libres à l’époque. Je me suis donc préparée : une bouteille d’huile, de la musique, un cahier pour prendre des notes, et un serre-tête à fleurs. C’était important pour moi de ne pas porter de blouse blanche. J’en avais porté pendant des années, et je savais que la blouse blanche était associée à la peur pour les patients. Je préfère les tenues colorées, alors je me suis présentée ainsi. Dès le début, j’ai frappé à chaque porte en expliquant que les patients avaient le droit, s’ils le souhaitaient, à un massage, tout en précisant bien qu’il s’agissait d’un massage habillé pour ne pas effrayer ceux qui n’étaient pas familiers avec cette pratique.

L’essai a été validé et reconduit. J’ai commencé avec cinq heures de travail par semaine, et aujourd’hui, six ans plus tard, je travaille treize heures par semaine. La demande et l’attente sont là, et les patients que je vois chaque semaine ont intégré ce soin dans leur routine : ils savent qu’ils vont se détendre et se faire masser.

"J'affectionne particulièrement le massage de la tête"

Un massage que j’affectionne particulièrement est celui de la tête, surtout parce que beaucoup de patients, en perdant leurs cheveux, appréhendent qu’on touche à cette zone. Certaines femmes refusent d’enlever leur prothèse ou bandeau. Je leur explique que la porte sera fermée, que les soignants sont prévenus, et que personne ne rentrera. Je leur dis aussi qu’il n’y a rien de mieux qu’un massage de la tête à l’huile, surtout lorsqu’on n’a plus de cheveux. 80 % des patients s’endorment pendant ce soin. Ceux qui n’ont jamais ressenti cela avant disent souvent : “Je ne pensais pas qu’un massage de la tête pouvait détendre tout le corps.”

Pour moi, réussir à transformer une zone appréhendée, comme le crâne après la perte des cheveux, en un espace de détente profonde est une victoire. Cela prouve que l’on peut intégrer le massage bien-être dans un service de soins lourds et apporter un réconfort immense aux patients.

"Pour moi, il est fondamental d’être soignant dans ce contexte."

La sophrologue et la réflexologue plantaire sont aussi aides-soignantes, donc elles connaissent bien les patients. Elles continuent d’ailleurs à exercer à temps partiel. Quant aux art-thérapeutes, ils sont formés spécifiquement pour travailler avec des patients, ce qui est essentiel. Quand j’ai passé cet entretien d’embauche avec le cadre du service, certaines personnes avaient voulu se reconvertir pour travailler auprès des patients, notamment dans le massage. Mais beaucoup ne sont restées que 15 jours, car elles ne s’attendaient pas à la réalité de la situation.

Pour moi, il est fondamental d’être soignant dans ce contexte. Être avec des patients qui vous parlent de la mort, qui vomissent, qui ont perdu leurs cheveux, cela demande de savoir où l’on se situe, d’être à sa place, et de savoir quoi dire. Le massage de la tête est un moment précieux, mais lorsque je masse les mains ou les pieds, cela devient souvent un moment d’échange. On parle de la famille, des traitements, et parfois la peur de la mort émerge. Cette relation d’aide, c’est grâce à mon premier métier que j’ai pu la développer, et elle trouve sa place dans mes séances de massage. Cela rend l’expérience différente, car nous ne sommes pas juste face à face comme avec un psychologue derrière un bureau. Le patient se détend, ce qui facilite la parole.

J’ai vécu des histoires très riches, notamment avec des patients en fin de vie. C’est important de pouvoir masser quelqu’un, de lui faire du bien tout en l’écoutant, surtout quand il sait qu’il va mourir. Ces patients ont souvent des questionnements, des peurs, et ils ont besoin d’en parler. Moi, j’ai le temps de les écouter, de réfléchir avec eux, et ces échanges sont incroyablement riches. Je pense à une dame que j’ai rencontrée cet été, avec sa fille. Nous parlions de la mort, et cette maman a pu exprimer des choses pour sa fille qu’elle n’avait jamais dites auparavant. C’était très fort, car cette dame voulait arrêter les traitements mais avait l’impression que sa fille ne comprenait pas. Elle s’excusait, et sa fille lui a finalement dit : “Je comprends que tu ne veuilles plus souffrir, et j’accepte cela.” Ce genre de moment, on se dit que c’est grâce au massage et à ce qui s’est passé pendant la séance que des choses aussi fondamentales ont pu être dites.

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un message de cette jeune femme, qui m’a retrouvée sur les réseaux sociaux. Elle m’a écrit : “Je me souviens de ce jour où vous êtes venue, de la discussion que nous avons eue, et du fait que vous m’ayez pris dans vos bras en partant. Votre sincérité, votre humanité… Ma mère est partie sereine.” Ce sont des histoires extraordinaires que je vis grâce au massage. Le toucher est pour moi fondamental, du début à la fin de la vie.

Je masse aussi des patients en fin de vie, qui ne sont parfois plus conscients. Ce sont souvent des patients que j’ai déjà massés auparavant, et que leur famille connaît bien. La famille se demande parfois : “Est-ce qu’il peut encore sentir le massage ?” Je leur réponds toujours : “Oui, il est vivant.” Et ce que j’adore, c’est lorsque je peux proposer à la famille de masser avec moi. Souvent, ils ont peur ou ne savent pas quoi faire dans ces derniers moments, où ils sont là 24 heures sur 24 avec leur proche. Alors, je leur montre comment masser une main ou un pied, et je leur dis : “Vous savez, tout ce que vous ferez sera ressenti. Il saura que c’est vous, et cela lui fera du bien, à lui comme à vous.” Ces moments sont riches d’émotion.

Tout cela, je l’ai appris certes grâce à ma formation de soignante, mais aussi grâce à ma formation de masseuse à l’IFJS. Nous avions des temps dédiés à la prise en charge relationnelle, à la psychologie. Après ma formation en bien-être, j’ai eu la chance de suivre un module de toucher-massage en soins palliatifs, sous la direction de Jacqueline Thonet. Elle connaissait mon parcours d’infirmière, et je lui avais dit que, même si j’avais principalement suivi une formation de bien-être, les modules destinés aux soignants m’intéressaient énormément. J’ai ainsi pu me former au massage autour de la naissance et de la fin de vie, deux pôles qui sont pour moi très importants. Je masse aussi beaucoup de femmes enceintes et j’anime des ateliers d’initiation au massage bébé. C’est une pratique qui me passionne.

Je me souviens aussi d’une lettre magnifique d’une patiente, une femme qui adorait la poésie et avait toujours travaillé dans le domaine littéraire. Je l’ai rencontrée lors de la rechute de son cancer du sein. Elle a écrit sur ses massages avec une beauté et une force incroyables. Elle m’a envoyé une lettre de deux ou trois pages, dans laquelle elle décrivait tout ce qu’elle ressentait, et combien cela avait été extraordinaire pour elle, alors même qu’elle avait très peur.

"Il faut des gens convaincus et un travail collectif. On parle de plus en plus d’oncologie intégrative."

Mon parcours est soutenu par certains médecins, notamment celui avec qui je travaille et qui est président de l’association. Les patients lui disent : “J’ai rencontré Myriam, je me fais masser, c’est extraordinaire.” Il me soutient totalement. Mais il y a encore des praticiens et des médecins qui ne croient que dans le médicament et ne comprennent pas l’utilité des soins de support. Le problème, comme toujours, reste le financement. Si je peux exercer dans cette clinique, c’est grâce à l’association et à ce médecin qui y travaille. Si demain il partait ailleurs, je le suivrais.

Quand je suis arrivée à Clermont, je suis d’abord allée au CHU et à la Ligue contre le cancer pour proposer mes services, mais on m’a dit : “Nous ne pouvons pas vous rémunérer.” On m’a demandé si je pouvais le faire bénévolement, ce que j’ai refusé. C’est mon métier, et la reconnaissance financière est aussi importante. J’ose rêver que cela évoluera, car ici à Clermont-Ferrand, nous avons plusieurs établissements comme le centre Jean Perrin, le CHU Estaing, ou encore Gabriel-Montpied. Il y a des rencontres en ce moment entre ces structures, à l’initiative de Joël Fleury, pour parler des soins de support.

Je suis optimiste, même si cela demande une énergie immense. Il faut des gens convaincus et un travail collectif. On parle de plus en plus d’oncologie intégrative. Joël Fleury, après avoir découvert cela, rêve d’un lieu similaire à l’Institut Raphaël à Paris, un immense centre où les soins de support sont offerts grâce à de gros financements. Il travaille sur ce projet pour Clermont-Ferrand, et j’y crois. Rêver et ne jamais abandonner ses projets est essentiel.

Qu'est-ce que l'oncologie intégrative ?

L’oncologie intégrative est une approche qui combine les traitements conventionnels du cancer, tels que la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, avec des thérapies complémentaires et alternatives. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des patients, de réduire les effets secondaires des traitements et de favoriser le bien-être général.

Cette approche considère le patient dans sa globalité, en tenant compte de ses aspects physiques, émotionnels, sociaux et spirituels. Les thérapies complémentaires peuvent inclure des pratiques telles que le massage, la réflexologie, la méditation, la sophrologie, l’acupuncture, la nutrition, la phytothérapie, la thérapie par l’art, etc. Ces méthodes visent à soutenir le corps et l’esprit, à gérer le stress et à améliorer la résilience face à la maladie.

L’oncologie intégrative encourage également une communication ouverte entre les patients et leurs équipes médicales, permettant ainsi une personnalisation des soins. En intégrant des stratégies de soins palliatifs et de soutien, cette approche vise à créer un environnement propice à la guérison et à l’épanouissement des patients tout au long de leur parcours de traitement.

Source

Par François Cordier, responsable communication FFMBE, gérant de La solution est ici, réseau de freelances spécialisés pour les professions du bien-être et de l’accompagnement.

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