La sophrologue et la réflexologue plantaire sont aussi aides-soignantes, donc elles connaissent bien les patients. Elles continuent d’ailleurs à exercer à temps partiel. Quant aux art-thérapeutes, ils sont formés spécifiquement pour travailler avec des patients, ce qui est essentiel. Quand j’ai passé cet entretien d’embauche avec le cadre du service, certaines personnes avaient voulu se reconvertir pour travailler auprès des patients, notamment dans le massage. Mais beaucoup ne sont restées que 15 jours, car elles ne s’attendaient pas à la réalité de la situation.
Pour moi, il est fondamental d’être soignant dans ce contexte. Être avec des patients qui vous parlent de la mort, qui vomissent, qui ont perdu leurs cheveux, cela demande de savoir où l’on se situe, d’être à sa place, et de savoir quoi dire. Le massage de la tête est un moment précieux, mais lorsque je masse les mains ou les pieds, cela devient souvent un moment d’échange. On parle de la famille, des traitements, et parfois la peur de la mort émerge. Cette relation d’aide, c’est grâce à mon premier métier que j’ai pu la développer, et elle trouve sa place dans mes séances de massage. Cela rend l’expérience différente, car nous ne sommes pas juste face à face comme avec un psychologue derrière un bureau. Le patient se détend, ce qui facilite la parole.
J’ai vécu des histoires très riches, notamment avec des patients en fin de vie. C’est important de pouvoir masser quelqu’un, de lui faire du bien tout en l’écoutant, surtout quand il sait qu’il va mourir. Ces patients ont souvent des questionnements, des peurs, et ils ont besoin d’en parler. Moi, j’ai le temps de les écouter, de réfléchir avec eux, et ces échanges sont incroyablement riches. Je pense à une dame que j’ai rencontrée cet été, avec sa fille. Nous parlions de la mort, et cette maman a pu exprimer des choses pour sa fille qu’elle n’avait jamais dites auparavant. C’était très fort, car cette dame voulait arrêter les traitements mais avait l’impression que sa fille ne comprenait pas. Elle s’excusait, et sa fille lui a finalement dit : “Je comprends que tu ne veuilles plus souffrir, et j’accepte cela.” Ce genre de moment, on se dit que c’est grâce au massage et à ce qui s’est passé pendant la séance que des choses aussi fondamentales ont pu être dites.
Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un message de cette jeune femme, qui m’a retrouvée sur les réseaux sociaux. Elle m’a écrit : “Je me souviens de ce jour où vous êtes venue, de la discussion que nous avons eue, et du fait que vous m’ayez pris dans vos bras en partant. Votre sincérité, votre humanité… Ma mère est partie sereine.” Ce sont des histoires extraordinaires que je vis grâce au massage. Le toucher est pour moi fondamental, du début à la fin de la vie.
Je masse aussi des patients en fin de vie, qui ne sont parfois plus conscients. Ce sont souvent des patients que j’ai déjà massés auparavant, et que leur famille connaît bien. La famille se demande parfois : “Est-ce qu’il peut encore sentir le massage ?” Je leur réponds toujours : “Oui, il est vivant.” Et ce que j’adore, c’est lorsque je peux proposer à la famille de masser avec moi. Souvent, ils ont peur ou ne savent pas quoi faire dans ces derniers moments, où ils sont là 24 heures sur 24 avec leur proche. Alors, je leur montre comment masser une main ou un pied, et je leur dis : “Vous savez, tout ce que vous ferez sera ressenti. Il saura que c’est vous, et cela lui fera du bien, à lui comme à vous.” Ces moments sont riches d’émotion.
Tout cela, je l’ai appris certes grâce à ma formation de soignante, mais aussi grâce à ma formation de masseuse à l’IFJS. Nous avions des temps dédiés à la prise en charge relationnelle, à la psychologie. Après ma formation en bien-être, j’ai eu la chance de suivre un module de toucher-massage en soins palliatifs, sous la direction de Jacqueline Thonet. Elle connaissait mon parcours d’infirmière, et je lui avais dit que, même si j’avais principalement suivi une formation de bien-être, les modules destinés aux soignants m’intéressaient énormément. J’ai ainsi pu me former au massage autour de la naissance et de la fin de vie, deux pôles qui sont pour moi très importants. Je masse aussi beaucoup de femmes enceintes et j’anime des ateliers d’initiation au massage bébé. C’est une pratique qui me passionne.
Je me souviens aussi d’une lettre magnifique d’une patiente, une femme qui adorait la poésie et avait toujours travaillé dans le domaine littéraire. Je l’ai rencontrée lors de la rechute de son cancer du sein. Elle a écrit sur ses massages avec une beauté et une force incroyables. Elle m’a envoyé une lettre de deux ou trois pages, dans laquelle elle décrivait tout ce qu’elle ressentait, et combien cela avait été extraordinaire pour elle, alors même qu’elle avait très peur.